A l’occasion du Festival de San Sebastian, nous avons pu nous entretenir en longueur avec Robert Pattinson : l’occasion de revenir sur l’expérience Twilight, ses choix de films et réalisateurs pointus, ses envies…
Cela faisait très longtemps que vous attendiez de travailler avec Claire Denis !
Robert Pattinson, comédien : High Life était pour moi un projet prioritaire. C’est un projet qui remonte à il y a très longtemps. Je crois que je m’apprêtais à faire The Lost City of Z et que ces deux projets avaient failli se chevaucher. Ca me paraît il y a une éternité. C’était clairement il y a longtemps. Je pense qu’il y a 3 réalisateurs pour qui je serai prêt à tout annuler.
Justement, qu’est ce qui vous attire vers des réalisateurs comme Claire Denis ou David Cronenberg? Vous avez l’air très déterminé sur ce que vous avez envie de faire ? Vous avez aussi tourné pour le premier long métrage du comédien Brady Corbet (L’Enfance d’un chef)…
Je suis toujours un peu inquiet quand c’est un premier film car je ne sais pas comment appréhender le travail du réalisateur. Mais pour Brady, je le connaissais depuis tellement longtemps.
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J’aime les gens dont on décèle une vraie empreinte. Cronenberg, Denis… On sent quelque chose de très spécial, c’est comme s’ils avaient un monde à eux, que le film contient.
Qui approche qui?
Cronenberg est sorti vraiment de nulle part. Ça a vraiment tout changé dans mon approche des réalisateurs. Il est venu à moi comme ça, au hasard, je ne l’avais jamais rencontré auparavant. L’autre jour, j’ai retrouvé un échange d’emails que j’avais eu avec mon agent, quand il venait juste de me proposer le rôle, dans lequel je lui disais : “je ne sais pas comment je vais faire, je ne devrais pas le faire, je vais tout rater”. Je ne me souvenais pas de tout ça.
Avec Claire, je savais que j’avais envie de travailler avec elle des années avant de la rencontrer. Ca a pris des siècles avant de réussir à la rencontrer, et ensuite pour que le film se fasse.
Je pensais avant que je devais avoir plus de contrôle. Vous pensez avoir des relations plus directes avec le public qu’avec les réalisateurs. Par exemple, Bel Ami. Pour ce film précis, j’y avais pensé en terme d’attentes du public. Avec Twilight, j’avais un public très féminin, donc je trouvais ça drôle de faire un rôle de ce séducteur qui profite des femmes. Mais après je me suis dit que je ne devrais peut être pas me fier à cette idée.
Pour en revenir à Cronenberg, je ne savais vraiment pas comment faire le film. Je n’étais pas sûr de tout comprendre. J’évitais même de parler à Cronenberg, et puis j’ai fini par lui expliquer que je n’étais pas sûr de comprendre de quoi le film parlait. Et il a répondu : “ouais, mais moi non plus !” (rires) J’ai dit : “Mais c’est à dire ?”. “Ben c’est un truc cool non, non ?” Le film a eu un gros impact pour moi.
Quand il y a des réalisateurs comme ça avec qui vous avez très envie de tourner, quelle est l’importance du rôle pour vous ? Y a-t-il des réalisateurs pour lesquels vous joueriez n’importe quel rôle ?
Oui, avec n’importe quel réalisateur. Si j’ai envie de travailler avec, je jouerai n’importe quel rôle. Vous ne pouvez pas être perdant dans cette situation si vous choisissez les bonnes personnes avec qui travailler.
D’où vient cette fascination pour le cinéma d’auteur et des réalisateurs comme Claire Denis ou Cronenberg ?
Je n’ai pas le sentiment que ça soit des films d’art et essai à chaque fois. Ce sont des grands noms avec qui je travaille, donc pour moi, c’est un niveau plus large que le cinéma d’art et essai. Je n’ai pas l’impression d’être dans un cinéma super obscur.
Mais je ne vois pas pourquoi je me tournerai vers les blockbusters. Souvent on ne connaît pas vraiment les réalisateurs de ces films. Je trouve que les films vraiment grand public sont assez ennuyants, comme si je les avais déjà tous vus avant. Quand je reçois ces scénarios, c’est comme s’ils suivaient une formule. Ca n’a pas d’intérêt. Mais j’aimerais que les réalisateurs avec qui je travaille aient plus de spectateurs. Avant le public était plus aventureux.
Mais vous attirez du public sur votre nom…
Oui, genre 10 personnes ! (rires) Je ne sais pas, mais j’aimerais, oui. La majorité des personnes qui vont aller voir le film sont les personnes qui aiment Claire. Mais j’espère que ça créé une sorte d’attente quand on me voit au générique d’un film, constatant que j’essaye de faire des choix intéressants.
Vous semblez attiré par le cinéma européen…
Je trouve ça assez difficile de choisir des films purement américains. Mais oui, c’est important. Ca donne une tournure différente à la carrière. En Europe, l’industrie est différente. D’aller à Cannes aussi. Que mes films soient joués dans des festivals européens représente beaucoup pour moi.
Y a-t-il d’autres réalisateurs français ou francophones avec qui vous aimeriez tourner ?
J’adorerais tourner avec Godard. Mais c’est très difficile à atteindre ! (rires) J’ai toujours aimé Jacques Audiard. Il y a aussi Catherine Breillat, Leos Carax, Erick Zonca… Il y en a plein ! C’est impressionnant quand vous vous retrouvez dans une même pièce avec Claire Denis par exemple. Je suis tellement heureux d’avoir travaillé avec Claire Denis, mais aussi parce qu’on sent vraiment que c’est un film de Claire Denis.
Est-ce que justement High Life ressemble à ce que vous imaginiez ?
Je ne savais pas du tout à quoi m’attendre. Je n’avais pas d’attentes dans le bon sens du terme. Parce que lorsque vous voyez des films comme Beau Travail, vous pouvez ressentir tellement de choses, sans même forcément tout comprendre. Je sais juste que c’est super. Je faisais entièrement confiance en ce que Claire voulait. Mais j’ai trouvé le film plus drôle que ce que je m’étais imaginé. J’ai ri devant le film la première fois. Peut être que quelqu’un quelque part le trouvera drôle également !
Vous avez commencé très jeune, quel regard jetez vous sur votre carrière après avoir travaillé à présent avec Denis, Safdie, Cronenberg…
Pour moi, il n’y a pas carrière plus rêvée. D’avoir cette explosion folle avec Twilight qui était très fun… J’ai vraiment aimé faire l’ensemble des films Twilight. C’était une super expérience Twilight, puis cette transition directe qui m’a permis tout de suite après de faire exactement ce que je voulais faire, je ne pouvais pas demander mieux ! D’avoir une collection de réalisateurs et de films dont on vous donne l’opportunité… Quand je faisais Twilight, on me demandait si je n’avais pas peur d’être catalogué. A chaque fois, je disais non.
Mais avec Twilight vous avez expérimenté ce qui est peut être le plus fou et le plus agressif avec Hollywood, la célébrité…
Mais si vous n’avez pas d’attentes, c’est toujours assez facile de faire avec. Si vous n’attendez pas qu’on vous traite d’une certaine façon, ça n’est pas important. Quand tout ça se produisait, c’était assez envahissant, mais en même temps, il y avait plein de gens qui m’entouraient, j’avais un groupe d’amis ou les gens avec qui je travaillais depuis des années, avec qui on prenait ça avec beaucoup de recul, d’humour. Je prenais ça avec humour.
High Life : “Nous n’essayons pas de faire plaisir à tout le monde”
Propos recueillis en table-ronde et traduits de l’anglais par Brigitte Baronnet au Festival de San Sebastian 2018