Bénéficiant d’une ressortie en salles dans une copie restaurée, “La Religieuse” (1966) de Jacques Rivette fait partie de ces films ayant eu un rapport particulièrement houleux avec la censure… Explications.
La Religieuse de Jacques Rivette
Avec Anna Karina, Liselotte Pulver, Micheline Presle…
De quoi ça parle ? Au XVIIIe siècle, Suzanne Simonin est cloîtrée contre son gré dans un couvent. Elle trouve un peu de réconfort auprès de la Mère supérieure, mais celle-ci meurt peu après, et est remplacée par une femme sadique qui ne cesse de brimer Suzanne. La jeune femme obtient l’autorisation de changer de couvent, mais reste toujours aussi déterminée à sortir.
A la fin des années 1950, la commission de contrôle prononça un avis de pré-censure défavorable pour une adaptation cinéma du roman-mémoires “La Religieuse” de Denis Diderot. C’est pour cette raison que cette oeuvre a été, dans un premier temps en 1963, adaptée au théâtre sous la direction de Jean-Luc Godard, sur scénario écrit par Jacques Rivette et Jean Gruault. Si la censure a émis de sérieuses réserves par rapport à la pièce, cette dernière n’a donné lieu à aucun scandale (mais le succès n’a pas été au rendez-vous).
Lorsque, deux ans plus tard, Rivette a voulu transposer le livre de Diderot sur grand écran, des mères supérieures et des Associations de parents d’élèves de l’enseignement privé ont cherché par tous les moyens à faire en sorte que ce film “blasphématoire”, qui “diffame et déshonore les religieuses”, ne voit jamais le jour. Des centaines de lettres ont ainsi été envoyées au Ministre de l’Information Alain Peyrefitte, ainsi qu’à Yvonne de Gaulle, l’épouse du Président en place.
Malgré ces hostilités, le tournage de La Religieuse eut lieu (le film n’a toutefois pas pu être tourné à l’abbaye de Fontevrault, où Rivette souhaitait poser sa caméra). Re-titré “Suzanne Simonin, la religieuse de Diderot”, le long métrage a été immédiatement visé par des condamnations et a fait l’objet de débats houleux à l’Assemblée. Il a tout de même obtenu, en mars 1966, une autorisation de sortie, mais accompagnée d’une interdiction aux moins de 18 ans.
Cependant, le Secrétaire d’Etat à l’Information, Yvon Bourges, décida de passer outre la Commission de contrôle et, au motif d’un risque de troubles à l’ordre public, bloqua la diffusion du film, déclenchant par la même occasion une virulente campagne de presse.
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Plusieurs personnalités s’insurgèrent contre cette censure. Parmi elles, la journaliste fondatrice de L’Express Françoise Giroud (“Malheur aux politiques qui ne connaissent pas le prix des Beaux-Arts”) ou encore Godard qui a interpellé le Ministre de la “Kulture” André Malraux dans Le Nouvel Observateur (“Cette Gestapo de l’esprit”, selon ses propres termes) : “Si ce n’était prodigieusement sinistre, ce serait prodigieusement beau et émouvant de voir un ministre UNR de 1966 avoir peur d’un esprit encyclopédique de 1789.” Traité de lâche, piqué au vif, Malraux se désolidarisa du gouvernement et autorisa le film à représenter la France au Festival de Cannes de 1966, où il fut applaudi.
Grâce à un nouveau ministre, Georges Gorse, La Religieuse a finalement été projeté au cinéma en 1967 (toujours interdit aux moins de 18 ans). A sa sortie, dans seulement cinq salles parisiennes, le long métrage de Rivette est parvenu à enregistrer 165 000 entrées en cinq semaines. La raison de ce succès est bien évidemment à mettre sur le compte des polémiques que le film a suscitées. Le roman de Diderot a, parallèlement, fait l’objet de plusieurs rééditions. Notons pour finir qu’il a tout de même fallu attendre 1975 pour que le Conseil d’Etat confirme l’illégalité du refus de visa initial de La Religieuse et autorise sa vision au “tout public” et à l’étranger.
La bande-annonce de “La Religieuse” (2013) de Guillaume Nicloux, également adapté du roman de Denis Diderot :
La Religieuse Bande-annonce VF
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